Son titre est bien trouvé, ce qui explique sans doute la bienveillance actuelle à son égard. Mais gare au piège tendu par l’initiative du PDC où les perdants seront bien plus nombreux que les gagnants si elle devait être acceptée ! Sous couvert d’égalité fiscale entre les couples mariés et concubins, le texte du PDC corrigera certes quelques injustices dans ce domaine, mais en créera d’autres. Et à quel prix !
Tout d’abord, il faut savoir que de nombreux cantons ont adapté leur législation pour que les couples mariés et concubins soient au minimum traités sur pied d’égalité, voire avantagés dans certains cas de figure. Ils l’ont même tellement bien fait que « seuls » 80 000 couples sont en fait concernés par cette initiative. Et principalement les couples qui ont un revenu supérieur à 190 000 francs. Ce « cadeau fiscal » signifie 2 milliards de moins dans les caisses des collectivités publiques chaque année, dont 380 millions pour les communes et les cantons. Avec un tel manque à gagner, qui va payer ? Les concubins et les célibataires qui verront leurs impôts augmentés ? Les bénéficiaires de prestations qui seront diminuées ? Les deux ?
Concernant l’AVS à présent, les partisans de cette initiative mettent en avant que les couples concubins bénéficient de deux rentes, alors que celle des couples mariés n’en ont qu’une et demie. Cette inégalité de traitement est réelle, mais elle est compensée par d’autres avantages que possèdent les couples mariés par rapport aux couples concubins comme les rentes de veuf ou de veuve et le supplément de veuvage ajouté à une rente de vieillesse ou d’invalidité. Dans l’ensemble les couples mariés bénéficient d’une meilleure couverture dans les assurances sociales (prévoyance professionnelle, assurance-accidents, assurance militaire) que les couples concubins.
Si l’initiative passait, les dépenses à la charge de l’AVS augmenteraient de 2 milliards par année, dont 400 millions à la charge de la Confédération. Les couples mariés seraient privilégies de manière spectaculaire par rapport aux couples concubins alors que la Constitution précise que nul ne doit être discriminé selon son mode de vie. Qui va payer ce qui s’apparent en définitive à une promotion du mariage ?
Ce qui est sûr en tout cas, c’est que les couples de même sexe paieront également du point de vue de l’égalité des droits. En effet, cette initiative, qui de manière scandaleuse ne respecte pas l’unité de la matière, interdit de fait le mariage pour tous en inscrivant dans la Constitution que le mariage est l’union durable (!) entre un homme et une femme. Une gifle pour les personnes homosexuelles, un demi-million de la population suisse alors que 80 000 couples sont concernées par cette initiative, qui n’ont pas d’autre choix que de lutter contre cette initiative si elles ne veulent pas voir le débat sur le mariage pour tous remis aux calendes grecques.
Cette initiative à 4 milliards par an est donc un leurre puisqu’elle crée plus de problèmes qu’elle n’en résout. Sur l’aspect fiscal d’abord, elle fait du mariage hétérosexuel une unité économique et elle empêche d’aller dans la direction de la taxation individuelle, la seule manière de mettre les citoyennes et les citoyens sur un pied d’égalité. Sur le plan de l’égalité des droits ensuite, puisqu’elle confisque le débat sur le mariage pour tous.
Des raisons bien suffisantes pour dire un NON clair et net à cette initiative le 28 février !
Didier Bonny
Membre de l’association 360
Co-président de la Fédération genevoise des associations LGBT
Membre du comité PRO AEQUALITATE