
Une année après l’introduction du mariage civil pour les couples de même sexe en France, plus 100’000 personnes, menées par l’Inter-LGBT, ont battu le pavé à Paris hier pour une Marche des Fiertés 2014 en colère contre le gouvernement de François Hollande. Le Parti socialiste, si porteur de l’égalité lors de la campagne présidentielle, était le grand absent de la Marche, à l’exception de la Maire de Paris, Anne Hildago, et quelques membres de sa mairie.
Si l’ouverture du mariage civil pour les couples de même sexe est une avancée qui convient d’être célébrée, une année après son instauration, l’égalité sociale et juridique pour les personnes LGBT est bien loin d’être acquise en France. Face à l’intolérable mouvement «Manif pour tous», le gouvernement de François Hollande n’a fait que reculer. Accès à la PMA pour les couples de lesbiennes; reconnaissance systématique des enfants nés dans des familles arc-en-ciel; droits des trans*: les revendications de la Marche des Fiertés rappelaient l’amer bilan du gouvernement d’Hollande, dont les promesses de campagne ne se sont pas concrétisées.
Pas, ou peu de voix du gouvernement se sont élevées pour condamner les propos haineux proférés lors des Manif pour tous, alors même que, en 2013, SOS Homophobie recevait plus de 3’517 témoignages de personnes ayant subi de l’homophobie ou de la transphobie, et que le Refuge, structure d’accueil pour jeunes LGBT, enregistrait 1’300 demandes.
Les enfants des familles arc-en-ciel ont vu des milliers de gens descendre dans la rue contre leurs parents, contre la légitimité de leur famille, contre leurs droits. Dans une lettre ouverte à François Hollande, «M. Hollande, vous aviez promis l’égalité, vous avez réveillé la haine», la journaliste Taina Tervonen témoigne de sa déception face aux manquements du gouvernement, et des conséquences de ces manquements sur le quotidien de sa famille.
«La loi a été votée, et la seule chose qui a changé, pour ma fille et son petit-frère, c’est que pendant un an, ils ont vu des centaines de milliers de personnes défiler dans la rue, contre leur famille et contre leurs parents. Ils ont entendu: «Un papa, une maman, y a pas mieux pour un enfant!» Ils ont lu sur une banderole:
«La France a besoin d’enfants, pas d’homosexuels!» Alors, j’ai parlé de la liberté d’expression et de son importance, même si c’est pour dire des conneries. Ils ont entendu des députés les traiter de futurs terroristes et d’enfants Playmobil. Alors, j’ai parlé de la démocratie, et on a sorti tous les Playmobil de la maison pour une manif pour l’égalité, et on a ri de la bêtise de ceux qui se laissent guider par la peur de l’Autre. Ils ont vu une femme faire la grève de la faim contre leurs droits. La grève de la faim, monsieur le Président. Rien que ça. Un lendemain de manif contre leur famille, ils vous ont entendu dire que finalement, les maires pourraient ne pas appliquer la loi s’ils la trouvaient un peu mal faite à leur goût. Là, monsieur le Président, je n’ai pas su quoi dire.»
Le remaniement de la Loi sur la famille, pourtant en chantier, a été repoussé aux calendes grecques par le gouvernement qui a invoqué un calendrier parlementaire chargé. L’accès à la PMA pour les couples de lesbiennes n’est donc plus d’actualité, alors même que l’ouverture de la PMA aux couples de lesbiennes devait déjà initialement figurer dans la Loi sur le mariage.
Les demandes d’adoption d’enfants nés par le biais de la PMA à l’étranger sont agréées par certains tribunaux et pas par d’autres, comme celui de Versailles, fief de la Manif pour tous, qui a refusé le 29 mai dernier l’adoption de Martin, 4 ans, par sa mère non-statutaire, sous prétexte de fraude à la loi, la PMA n’étant pas autorisée en France, alors même que la Loi sur le mariage autorise les couples de même sexe à adopter. «Nous, ce que nous cherchons, c’est à protéger Martin», dit Martine, sa mère sociale, pour Yagg. «Aujourd’hui, aux yeux de la loi, je ne suis rien. Je suis une étrangère.»
Plus de 400 femmes ont signé un manifeste publié dans Libération, «Nous réclamons l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, sans discrimination». Ces 400 femmes, hétéros ou homos, déclarent avoir eu recours à la PMA à l’étranger pour voir naître leurs enfants:
«Chaque année, des milliers de femmes ont recours à une PMA à l’étranger dans le but de fonder une famille.
D’autres le font dans des conditions dangereuses pour leur santé en raison de l’exclusion à laquelle elles sont condamnées alors que cette même intervention est autorisée en France pour les couples hétérosexuels.
Je déclare que je suis l’une d’elles. Je déclare avoir eu recours à une insémination avec donneur afin de fonder une famille.
Nous réclamons l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, sans discrimination. Nous réclamons que la loi ouvrant l’adoption aux couples de même sexe soit appliquée partout en France.
Nous réclamons l’égalité entre couples homosexuels et hétérosexuels pour l’établissement de la filiation de leurs enfants.
Nous réclamons que tous les enfants de France puissent bénéficier des mêmes droits et que cessent immédiatement les discriminations dont sont victimes les enfants élevés dans les familles homoparentales.»
Une autre avancée s’est faite dans la demi-mesure : si la transphobie est maintenant punissable, elle l’est sous le terme de non-discrimination liée à «l’identité sexuelle», terme qui ne correspond pas à l’identité de genre. Les droits des personnes trasn*, en-dehors de cette avancée bâclée, n’ont toujours pas progressé. Le Sénat n’a adopté en septembre 2013 aucun des amendements concernant les droits des trans*: ainsi, le terme d’identité sexuelle demeure, et le changement d’état civil facilité, un des amendements revendiqués, a été également rejeté et repoussé.
Enfin, la semaine passée, le Ministère de l’Education a indiqué que les ABCD de l’égalité, qui visent à sensibiliser les élèves à l’égalité entre femmes et hommes, vont être annulés. Face à la levée de boucliers des conservateurs, et notamment de la Manif pour tous, qui ont brandi l’épouvantail de « la théorie du genre » (et de l’art de prétendument enseigner aux enfants de 9 ans à se masturber en classe et de les obliger à devenir homosexuels), le gouvernement a plié. Instaurés dans les classes depuis 2013, les ABCD de l’égalité ne seront pas reconduits à la rentrée scolaire 2014/2015, sous prétexte de soulager les enseignant.e.s qui ont déjà beaucoup à faire.
100’000 personnes ont marché pour l’égalité des droits hier. La mobilisation continue. L’association SOS-Homophobie, dans un communiqué de presse, rappelle au gouvernement les engagements qu’il a pris:
«A la veille de la Marche des Fiertés LGBT, il est regrettable de constater qu’il reste encore, en 2014, tant à faire. Les mots ne suffisent pas à endiguer l’homophobie, la biphobie et la transphobie ; la volonté politique doit être suivie d’actes contre toutes les formes de discriminations et en faveur de l’égalité de toutes et tous.»