L’acteur Jared Leto a reçu un Oscar le 2 mars 2014 pour meilleur second rôle dans le film Dallas Buyers Club, en incarnant une personne transgenre. La représentation des trans* en prend encore un coup avec nombre de stéréotypes négatifs…
Lors de son discours, l’acteur a dédié ce prix aux personnes atteintes du SIDA, mais n’a pas mentionné la communauté transgenre… Il a par contre, probablement maladroitement, insulté cette communauté qu’il est censé incarner à l’écran. Leto a décrit le personnage de Rayon comme une « belle créature » et a fait quelques blagues de mauvais goût sur sa transformation, qui ont bien fait rire la salle.
L’histoire
Dallas, 1985, Ron Woodroof, un électricien et amateur de rodéo, violent, macho et homophobe est diagnostiqué séropositif et apprend qu’il ne lui reste plus que 30 jours à vivre.
A l’hôpital, on lui parle d’un traitement anti-rétroviral qui est testé par les compagnies pharmaceutiques, l’AZT, qui pourrait prolonger la vie des patients séropositifs. Ce traitement est le seul autorisé pour le traitement des personnes atteinte du SIDA sur le territoire américain par la FDA (Food & Drug Administration). Ce médicament se révèle particulièrement dangereux et inefficace.
Ron se lance alors dans la contrebande de médicaments alternatifs pour sauver sa vie, en partenariat avec Rayon, une femme transgenre séropositive. Ils fondent ensemble le Dallas Buyers Club, le premier club aux Etats-Unis qui permet aux séropositifs de se fournir en médicaments anti-rétroviraux en provenance de pays étrangers. Ce club rencontre en grand succès, leur rapporte beaucoup d’argent et améliore significativement l’espérance de vie de nombreuses personnes séropositives. Hélas, la FDA ne voit pas ceci d’un bon œil et va alors tout mettre en œuvre pour stopper ces activités et préserver le monopole des compagnies pharmaceutiques.
Petit à petit, Ron commence à ressentir de la compassion pour les homosexuels, et pour Rayon. Le fait de gagner de l’argent devient moins important par rapport au fait de trouver des médicaments et sauver la communauté gay.
Une mauvaise représentation des personnes trans*
Malgré son attitude « pro-gay », le film représente très mal une population trans* déjà fortement stigmatisée dans les médias et le cinéma, en renforçant des stéréotypes négatifs, entre autre parce que le réalisateur ne comprend pas qu’être trans* n’est pas la même chose qu’être gay (la communauté gay est également dépeinte de manière très stéréotypée…).
Le problème principal est que le rôle de Rayon perpétue le stéréotype de l’homme déguisé en femme. Rayon, par son habillement de mauvais goût, vulgaire, et sa manière de surjouer un comportement stéréotypé féminin, ne fait clairement pas crédible comme femme. Pendant le film, les personnages s’adressent à elle en utilisant le masculin, y compris ceux qui lui vouent une certaine sympathie. Elle n’essaie jamais de les corriger. Pourquoi? Est-ce que le réalisateur aurait crée un personnage transgenre sans jamais en avoir rencontré ni s’être un minimum renseigné?? Très probablement… Pour ne rien arranger, Ron Woodroof vocifère nombre d’insultes et blagues transphobes à l’égard de Rayon, même lorsqu’il se met à l’apprécier, ce qui a le don de faire rire les spectateurs. Bien entendu, c’est censé coller avec le caractère du personnage de Ron.
L’histoire de Ron Woodroof et du Dallas Buyers Club est inspirée d’une histoire vraie, alors que le personnage de Rayon est purement fictif. Ce personnage est dépeint comme une pauvre chose, sans défense, avec un petit côté pathétique, et est censé créer un certain degré de pitié chez le spectateur… Le réalisateur l’a probablement rajoutée à son scénario pour renforcer le caractère emphatique que Ron Woodroof, à la base macho et homophobe, se met à ressentir vis-à-vis de la communauté gay. Ron devient son associé, mais surtout son défenseur. C’est lui le héros, celui qui prend tous les risques. Le public est censé prendre Rayon comme une victime qui a besoin d’être défendue… par Ron Woodroof, devenu « le chevalier dans son armure scintillante » qui sauve et défend les homosexuels atteints du SIDA.
Le pire c’est que le personnage de Rayon et le scénario valident des subtils stéréotypes sur les minorités sexuelles et transgenres en présentant la supériorité de Ron, l’homme hétéro et cisgenre* (*non transgenre), le seul être vraiment capable de les aider. Le fait que Rayon souffre et soit misérable renforce ce sentiment de hiérarchie qui place les personnes avec un genre et une sexualité traditionnelle en haut de l’échelle.
Ce genre de description, voilée derrière un côté positif d’inclusion et de soutien, peut être particulièrement sournoise car elle ne se perçoit pas forcément ainsi et peut donc favoriser encore plus facilement les préjugés des spectateurs sur ces minorités.
La pitié n’est pas la même chose que le respect!